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Le stress au travail

Comment faire face au stress au travail ?

Course à la productivité, pression accrue, objectifs inatteignables… Notre monde professionnel semble régi par le « toujours plus ». Des conseils pour gérer la souffrance, les désillusions et les frustrations. Et préserver un bien-être professionnel.


Quand le travaille vous dévore

Si le travail participe à la réalisation de soi, il sait aussi devenir dangereusement intrusif. Contexte économique, nouvelles formes de management, tout concourt à ce que nous nous impliquions sans cesse davantage. En faisons-nous vraiment trop ?

Pendant au moins quinze jours, la situation a été très tendue à la maison. Je rentrais tard du bureau. Et quand j’arrivais, je faisais tout dans un état second. Ma tête était remplie des thèses d’une sociologue que je devais rencontrer quelques jours plus tard. Je me couchais avec ses textes que je surlignais dans le lit, je m’extasiais sur la justesse de ses remarques et l’éclectisme de ses références. J’en rêvais même la nuit. Mon compagnon n’en pouvait plus, mais c’était plus fort que moi. J’étais dans un état de surexcitation totalement anormal. »Heureusement, ça n’a pas duré. Marion, chef de projet de 42 ans, a mené à bien sa conférence avec l’auteure dont les essais l’avaient bouleversée et tout est rentré progressivement dans l’ordre dans sa famille. S’était-elle « surinvestie »? Oui, répond une amie Psychiatre : « Le surinvestissement au travail se traduit par une difficulté à tracer des limites entre vie privée et vie professionnelle. Les frontières deviennent tellement poreuses que l’on ne “débranche” plus ». Rien de très grave là-dedans, à condition que cela ne dure pas, rassure la psychologue Marie Beaupère : « Si le surinvestissement est temporaire, tourné vers un objectif précis, si l’obsession est sériée dans le temps, elle peut jouer un rôle stimulant. Il ne faut jamais oublier que le travail offre aux individus une formidable opportunité d’être reconnus, de grandir, d’avancer dans leurs réflexions, de concrétiser des idéaux qu’ils portent en eux souvent depuis l’enfance. » Il galvanise, peut être source de beaucoup de plaisir, permet de poursuivre son chemin identitaire et de se stabiliser dans cette quête.


Le besoin de reconnaissance

C’est un moyen d’accéder à l’accomplissement de soi, confirme le psychiatre et psychanalyste Christophe Dejours : « Soit cela passe par l’amour – le champ érotique –, soit cela passe par le travail – le champ social. Cela a toujours été comme ça et ce sera toujours comme ça. Nous nous engageons et nous nous impliquons dans notre métier parce que la qualité de nos efforts est reconnue et que, ensuite, la reconnaissance peut être rapatriée dans la confiance en soi : nous allons nous aimer plus qu’avant. C’est parce que nous avons cet espoir de reconnaissance que nous nous donnons autant. C’est le secret de la santé mentale. »


Tout travail bien fait nécessite un investissement et la mobilisation de l’être humain. Un salarié qui travaille bien est un salarié qui s’implique intellectuellement et affectivement, assurent les psys. Parce que travailler consiste à improviser, à s’adapter aux multiples incidents qui émaillent les journées. Et pour faire face, il faut faire preuve d’intelligence et d’esprit d’initiative dans des situations dont nous ne connaissons a priori pas la solution. Il s’agit de constamment se réorganiser, repenser son activité. Christophe Dejours est persuadé que si nous nous contentions d’exécuter les ordres froidement, tout tomberait en panne : « Travailler implique de supporter l’échec, de l’endurer jusqu’à ce que nous ayons trouvé une solution. Cela peut prendre un, deux jours, et vous empêcher de dormir la nuit. Parfois, cela peut nous obséder pendant des jours et des nuits, intoxiquer les relations dans le couple, la famille. Et ce n’est absolument pas anormal ! Il n’y a pas de qualité dans notre travail sans engagement intime. Travailler, ce n’est pas produire. C’est d’abord se transformer soi-même. »


Normal donc de rêver de son travail, normal qu’il perturbe la vie privée, surtout quand ce ne sont plus seulement les compétences qui sont requises. Car les systèmes d’organisation contemporains sollicitent plus que jamais la subjectivité des salariés. « Leur personne, leur créativité doivent être mises, sans compter, au service de l’entreprise, décrypte Marie Beaupère. Mais les gens craquent quand le surinvestissement est permanent : comme ces commerciaux se démenant pour atteindre les objectifs impossibles qui leur ont été fixés et qui, ensuite, deviennent la norme. La fois suivante, on leur en demande encore plus. Et quand il n’y a plus de reconnaissance, quand ce n’est jamais suffisant, le sentiment de disqualification finit par les faire basculer. »


Une amie exerce depuis douze ans. Elle affirme que le surinvestissement est devenu la première cause de ses consultations « souffrance au travail ». Elle reçoit des salariés épuisés, au bout du rouleau, au stade qui précède le burn-out. Il y a d’abord ceux qui n’ont pas le choix : les ouvrières, les caissiers qui se lèvent à 5 heures du matin cumulent leur poste avec des petits boulots pour finir le mois. Là, le surinvestissement se manifeste de manière somatique, avec des pathologies qui vont et viennent (eczéma, dos en capilotade, etc.). Pas d’autre possibilité que de surinvestir pour survivre économiquement.


Et puis, explique-t-elle, « il y a les cadres, et parmi eux, j’ai constaté que les personnalités les plus touchées étaient les plus perfectionnistes, celles qui ont du mal à déléguer, des difficultés à lâcher prise, ou alors des êtres qui manquent de confiance en eux, ont toujours besoin d’en faire plus parce qu’ils se sentent incompétents : ils tentent sans cesse de se mettre au niveau dans l’espoir de répondre aux attentes de leurs managers ».


La course aux résultats

Des attentes qui deviennent des puits sans fond. Pas de pause possible, les « n+1 » n’hésitant plus à envoyer des mails à toute heure. François, 38 ans, expert-comptable dans une multinationale, se souvient de ce texto envoyé à 2 heures du matin par son supérieur : « Mon téléphone a vibré. Je savais que c’était lui. Je me suis dit : “Non, je ne regarde pas.” Et puis, j’ai craqué. Je lui ai répondu à 3 heures du matin. Ses remerciements ? “Comment se fait-il que tu sois levé à cette heure-ci ? Tu devrais être au lit !” J’ai l’impression de devenir fou ! »


Mon amie dresse indéfiniment les mêmes diagnostics : « Il y a surinvestissement parce qu’il n’y a plus de possibilité de récupération. Les tâches et les sous-entendus menaçants se démultiplient : “Si tu ne fais pas ces extras, d’autres les feront et ce seront eux qui passeront devant toi pour le poste ouvert dans un ou deux ans.” Ces méthodes perverses déboussolent complètement les êtres. En même temps, les managers suivent des formations à la gestion du temps dans lesquelles on leur recommande d’éteindre leur Smartphone en sortant du travail, de ne pas envoyer de mail à 7 heures du matin ! On marche sur la tête ! »


Dans un élan d’hypocrisie généralisée, des entreprises, paniquées par la perspective des burn-out et autres spectres de « risques psychosociaux », ne cessent d’adresser des encouragements à la prise de distance : « Mais tu t’investis trop ! », « Il ne faut pas mettre trop d’affectif dans ton travail ! », « N’oublie pas que tu as une famille qui t’attend à la maison ! », etc. Les cellules antistress peuvent toujours pulluler. Elles contribuent juste à désorienter un peu plus des individus ballottés entre deux injonctions absolument inconciliables : « Se défoncer » et « lâcher prise ».




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